Étouffer le silence

Indépendante
J'ai toujours aspiré à l'être davantage.
Refusant l'aide qu'on m'offrait, les mains qu'on me tendait, les conseils qu'on me prodiguait.
J'aurais ainsi l'air plus forte!
C'est du moins ce que je pensais.

Refusant de me soumettre à l'autorité j'ai tout fait
pour m'affirmer
pour m'affranchir des chaînes de la société
me baigner dans la douce lumière de la liberté

on n'est jamais mieux servi.e.s que par soi-même, parait-il
et mon coeur de femme indépendante saigne
à l'idée de dépendre de quoique ce soit
à l’idée de dépendre de qui que ce soit
d’ami.e.s, d’amant.e.s,
d'elles, de lui, de toi

s'avouer
être seule et vulnérable
après avoir passé des années à chanter sur tous les toits
qu'on n’a besoin
de personne
c'est impossible.

S'avouer que la raison pour laquelle nos propres sanglots étouffés par l'oreiller que l'on serre près de soi, plus fort qu'une mère s'accroche à ses enfants pour les protéger, s'avouer que la raison pour laquelle ces sanglots-là sont la dernière chose qu'on entend avant de s'écrouler de fatigue, chaque soir, est notre manque de contact humain, jamais.

Alors on se met à danser avec notre ombre, à crier à tue-tête pour étouffer ce silence lourd et trop présent qui nous ronge de l'intérieur, à rire face aux murs vides et blancs qui nous contiennent pour nous empêcher d'exploser
fake it till you make it
à rire parce qu'on a le goût de pleurer, mais que pleurer c'est s'avouer avoir mal et que si on se l'avoue on devient faible et on n'est pas faible on est forte et indépendante alors on rit de désespoir on rit de tristesse on rit de mélancolie, mais on rit.

alors on lit à haute voix
debout
seule au milieu d'une pièce trop vaste trop vide.

On lit à haute voix les mots d'autrui
et on valse sur le tempo créé par l'écho de nos paroles
On lit à haute voix pour prétendre n'être plus seule
et on réalise qu'on ne sait plus
qui on est
et on s'en fout
mais pas vraiment

Cette voix est-elle la mienne?

on lit à haute voix
parce que les mots, tu vois,
sont nos seuls amis